Le déploiement universitaire de la médecine générale : une bonne nouvelle pour la recherche
Les soins primaires sont définis, quels que soient les pays et les systèmes de soins, comme des soins dispensés par des acteurs de premier recours qui reçoivent et prennent en charge dans un environnement ambulatoire sans tri préalable, des personnes ayant des problèmes de santé souvent à des stades précoces et indifférenciés1. Les médecins généralistes font partie de ces acteurs de santé.
Pour garantir des soins primaires de qualité, le développement d’une filière universitaire spécifique à la médecine générale (MG) est un élément essentiel.
C’est surtout dans les pays anglo-saxons et d’Europe du Nord que les filières universitaires en MG se sont développées dans les années 50, héritage des politiques de prévention dans un contexte hygiéniste2. La France, du fait de la mise en place des cités hospitalo-universitaires excluant la MG en 1958, a rejoint tardivement ces pays avec la reconnaissance de la spécialité MG en 2004, la création de la filière en 2009 et la nomination des premiers professeurs titulaires en 2011. Du fait de son caractère récent en France, la discipline MG est peu connue et a encore besoin de reconnaissance dans le milieu académique et de la recherche.
Qu’entend-on par recherche en MG ?
La recherche en MG a pour objectif principal l’amélioration de la santé de la population générale, qui passe par l’amélioration de la santé de chaque individu 3. Cet objectif est clairement défini à l’interface entre l’échelle populationnelle et individuelle, reflet de la pratique des médecins généralistes intégrés à une communauté de patients. La recherche en MG va donc utiliser :
- des méthodes quantitatives en exploitant des données chiffrées en lien avec les statistiques pour répondre à des questions autour de l’épidémiologie sociale et de la santé publique
- des méthodes qualitatives en exploitant des données de discours en lien avec la sociologie en santé pour répondre à des questions sur des concepts et des phénomènes
Les principaux domaines d’intérêts sont la prévention primaire, les maladies chroniques fréquentes, les inégalités sociales, la coordination ville/hôpital. Le recueil de données se fait en ambulatoire dans les lieux de soins ou au niveau communautaire, et les critères de jugement sont souvent composites pour garder une perspective biomédicale, sociale et psychologique. L’utilité d‘intégrer une perspective clinique à la recherche comme le fait la MG est d’identifier des pathologies initialement inconnues dans le cadre de syndromes médicalement inexpliqués et d’en établir des objets de recherche diagnostique et thérapeutique à l’instar du SIDA dans les années 80, d’abord repéré par des rapports de cas individuels.
C’est bien en s’adossant à des unités de recherche multidisciplinaire et principalement identifiées en épidémiologie sociale que les travaux de recherche en MG ont augmenté en qualité et en quantité4, en enrichissant la qualité des travaux de santé publique, en apportant des perspectives d’amélioration des pratiques. Il est crucial que ces collaborations bien initiées en France se pérennisent avec le développement de l’accueil de chercheuses et de chercheurs menant des travaux de MG au sein des unités de recherche.
Dr Jean Sébastien Cadwallader, médecin généraliste, MCU à Sorbonne Santé, MD-PhD, équipe ERES, iPLesp.
- World Health Organization. Primary care. Genève : WHO,2024.
- Hummers-Pradier E, Beyer M, Chevallier P, et al. The Research Agenda for General Practice/Family Medicine and Primary Health Care in Europe. Part 1. Background and methodology. Eur J Gen Pract 2009;15(4):243-50.
- Rosser WW, van Weel C. Research in family/general practice is essential for improving health globally. Ann Fam Med 2004;2 Suppl 2(Suppl 2):S2-4.
- Hajjar F, Saint-Lary O, Cadwallader JS, et al. Development of Primary Care Research in North America, Europe, and Australia From 1974 to 2017. Ann Fam Med 2019;17(1):49-51.