La Lettre des Actualités LORIER – Mai 2025

L’édito de mai 2025

 

L’auto-régulation de la recherche : comment être plus responsable ?

Depuis les années 2000, des scientifiques se mobilisent pour promouvoir une culture de recherche intègre et responsable au sein des équipes de recherche. Il s’agit notamment pour les personnels de recherche de mieux décrire les « bonnes pratiques » attendues dans le cadre de leurs activités professionnelles. Ces pratiques, encore insuffisamment formalisées incluent notamment l’exemplarité des pratiques de collaborations, d’autorat, d’utilisation des données, de publication, de diffusion et d’évaluation de la recherche, d’utilisation des financements et de gestion des conflits d’intérêts.

Expliquer les principes  d’une recherche intègre et responsable est au cœur de textes de références élaborés par les scientifiques pour cadrer l’environnement et les pratiques au sein des laboratoires (par exemple : Charte nationale de déontologie des métiers de la recherche de 2015 et Code de conduite européen pour l’intégrité en recherche). Ces textes mettent en avant la responsabilité des institutions et organismes de recherche dans la formation et l’organisation de la recherche afin que les personnels réalisent leurs travaux dans le respect de ces exigences. Ce nécessaire soutien institutionnel est largement sollicité par les scientifiques qui veulent être à la fois plus responsables et plus libres. Mais cette institutionnalisation de la recherche responsable doit être en phase avec les pratiques de recherche au sein des laboratoires. Pour les personnels de recherche, la culture de recherche responsable implique une double exigence de responsabilité individuelle et collective : exigence d’une bonne connaissance et compréhension des normes et des standards disciplinaires régissant la recherche et réflexivité permettant l’intégration de ce système de normes, de pensées, de processus et d’actions dans l’activité scientifique concrète.

Ainsi, il revient aux personnels de recherche d’établir des standards de qualité, de repérer et corriger les dérives qui pourraient survenir au sein de leur environnement de recherche, et de maintenir ou d’instaurer un climat de confiance entre scientifiques et avec la société en général. Parce qu’il n’existe pas de prêt-à-l’emploi d’une culture de recherche responsable, il s’agit de construire individuellement et au sein des équipes des mécanismes de prévention, d’alerte et de régulation. Cela suppose des normes identifiées et une motivation pour les respecter.  Il s’agit donc d’être en mesure d’analyser ses propres actions pour en tirer des leçons adéquates et de s’engager en conscience en faveur d’une auto-régulation individuelle et collective de la recherche. Cela suppose également d’être en mesure d’identifier les écarts entre les pratiques et les normes (Carver and Scheier, 1982). Et cela suppose finalement de comprendre qu’il ne s’agit pas d’entraver le dynamisme de l’activité de recherche quotidienne avec l’instauration de procédures supplémentaires, mais bien au contraire, de s’assurer de la qualité des résultats générés.

La formation à la recherche, le mentorat, la valorisation des pratiques les plus rigoureuses et la reconnaissance des contributions au sein des équipes de recherche sont autant d’outils précieux pour améliorer ses capacités d’évaluation, de réflexivité et favoriser une auto-régulation de la recherche. L’évaluation de la recherche par les pairs est l’exemple le plus évident de l’importance de l’auto-régulation en recherche. Sa qualité est renforcée par des initiatives visant à évaluer les projets sur des critères qualitatifs et non uniquement quantitatifs. Des déclarations comme la Déclaration de San Francisco (DORA) ou des initiatives telles que The Coalition for Advancing Research Assessment (CoARA) sur l’évaluation de la recherche contribuent à valoriser des critères tels que la reproductibilité des résultats, la transparence des méthodes de recherche et l’impact sociétal des recherches. L’évaluation des publications ou projets de recherche doit bénéficier d’une démarche qualitative similaire.

Mais en pratique, comment tendre vers cette autorégulation altruiste bénéfique à la fois pour la communauté scientifique et pour la société tout entière ? Le consortium européen SOPs4RI (Standard Operating Procedures for Research Integrity) a dressé une liste de points clés pour une pratique plus responsable de la recherche. Il en ressort l’importance capitale de l’environnement de travail et de la formation. Définir et communiquer les attentes et les normes au sein de l’équipe de recherche, promouvoir et récompenser les bonnes pratiques, participer ou initier des dialogues qui favorisent la communication ouverte et la diversité, apprendre et être dans une démarche d’amélioration continuelle, s’engager et travailler en équipe, montrer l’exemple, sont autant d’outils propices pour articuler climat de recherche responsable et auto-régulation de la recherche. L’enjeu n’est pas des moindres puisque le corollaire de ce principe de responsabilité est la liberté de la recherche, principe juridique dont la légitimité a été constitutionnellement reconnue.

Catherine Coirault

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Le prochain RDV LORIER

 

Ivan Balansard est le vétérinaire référent modèles animaux du CNRS. Il travaille au sein du Bureau Ethique et modèles Animaux. Il est également président du Gircor, association d’organismes de recherche dont l’objectif est d’informer sur l’utilisation d’animaux et de méthodes alternatives en recherche biologique et médicale.

À l’occasion de son webinaire, Ivan nous présentera la perception sociale de l’expérimentation animale et les enjeux considérables que cette question peut avoir sur la santé de demain.

La plupart des Français admettent leur méconnaissance des enjeux de la recherche animale, et éprouvent un certain malaise face à ce sujet qu’ils connaissent mal. Ils oscillent entre un sentiment de méfiance envers des pratiques jugées peu transparentes et un sentiment de confiance sur la nécessité d’utiliser des animaux pour faire avancer la médecine humaine et vétérinaire.

Toutefois une partie de la population, initialement réceptive aux arguments scientifiques, évolue pour rejoindre un groupe de plus en plus nombreux de Français adoptant une position radicale sur la question. Ainsi, aujourd’hui, près de 30 % des Français jugent l’utilisation des animaux en recherche totalement inacceptable et injustifiable. Ce rejet est à mettre en relation avec les 25 % qui estiment que les méthodes alternatives sont d’ores et déjà en mesure de remplacer totalement l’expérimentation animale et de répondre à tous les défis de la biologie et de la santé.

Quelle est la raison de cette évolution? Comment lutter contre ce phénomène préoccupant qui, au-delà de l’expérimentation animale, est aussi une remise en question de l’éthique des scientifiques ?

Vous pouvez dès à présent soumettre vos questions à Ivan en les envoyant à lorier@inserm.fr

Le webinaire est ouvert à tous en vous inscrivant via le lien

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Quoi de neuf ?

 

Mettre en place de bonnes pratiques pour l’édition d’images scientifiques

Une note publiée dans Nature rappelle l’importance des bonnes pratiques en matière d’édition d’images scientifiques. Outre le développement des outils d’IA permettant de détecter les fraudes, certaines revues et sociétés scientifiques élaborent actuellement des lignes directrices pour aider les chercheurs à bien présenter une image tout en préservant ce qui a été observé expérimentalement. L’accessibilité numérique est également essentielle : 20 à 50% des articles contiendrait au moins une figure qui n’est pas accessible pour des personnes qui ne distinguent pas le rouge du vert. Outre des initiatives comme PixelQuality (https://award.einsteinfoundation.de/award-winners-finalists/recipients-2024/pixelquality) visant à standardiser les pratiques, des organismes, tels que le Research Integrity Office au Royaume-Uni proposent des webinaires pour aider les scientifiques à produire des images scientifiques au meilleur standard international.

Catherine Coirault

 

Retour sur des journées 2025 du Réseau Français de la Recherche Reproductible

Les enregistrements des journées du Réseau Français de la Recherche Reproductible, organisées à Lyon les 3 et 4 avril, sont désormais disponibles en ligne. Plusieurs sessions revêtent un intérêt particulier pour notre communauté biomédicale.

Ainsi, la session Reproductibilité et santé humaine a abordé la variabilité des résultats en imagerie cérébrale, les enjeux de reproductibilité des analyses IRM, en particulier dans la maladie de Parkinson, ainsi que l’intégrité et la reproductibilité en recherche thérapeutique. La session Reproductibilité et recherche préclinique a, quant à elle, proposé un état des lieux des difficultés de reproductibilité dans ce champ, ainsi que des pistes méthodologiques pour y répondre.

Les vidéos, les supports de présentation et les notes collaboratives (en français) sont disponibles sur le site Canal-U. retrouvez le programme complet. 

Et voici une petite sélection d’intérêt pour le domaine biomédical :

Aide au design des projets précliniques pour une bonne science et une bonne conscience

https://www.canal-u.tv/chaines/rfrr/aide-au-design-des-projets-precliniques-pour-une-bonne-science-et-une-bonne-conscience

La recherche préclinique en crise de reproductibilité Etat des lieux, causes, … et solutions ?

https://www.canal-u.tv/chaines/rfrr/la-recherche-preclinique-en-crise-de-reproductibilite-etat-des-lieux-causes-et

How the stroke community shaped preclinical research methodology: a historical perspective

https://www.canal-u.tv/chaines/rfrr/how-the-stroke-community-shaped-preclinical-research-methodology-a-historical

Reproductibilité des analyses IRM pour la maladie de Parkinson

https://www.canal-u.tv/chaines/rfrr/reproductibilite-des-analyses-irm-pour-la-maladie-de-parkinson

Variabilité des résultats en imagerie cérébrale au travers de différentes analyses

https://www.canal-u.tv/chaines/rfrr/variabilite-des-resultats-en-imagerie-cerebrale-au-travers-de-differentes-analyses

Intégrité et reproductibilité de la recherche thérapeutique

https://www.canal-u.tv/chaines/rfrr/integrity-and-reproducibility-in-therapeutic-research

Peer Community In (PCI) et Peer Community In Registered Report (PCI RR): Deux initiatives de science ouverte au service de la reproductibilité scientifique

https://www.canal-u.tv/chaines/rfrr/peer-community-in-pci-et-peer-community-in-registered-report-pci-rr-deux-initiatives

Florian Naudet 

 

Un guide de bonnes pratiques pour la gestion des données de recherche en BioImagerie

Offrant un accompagnement aux ingénieurs et aux chercheurs dans la gestion des données, ce guide a été conçu pour répondre aux défis récents de la gestion des données de recherche dans le contexte de la science ouverte. En prenant pour exemple la gestion des données en microscopie photonique, il propose un cas d’usage concret tout en exposant les notions fondamentales de la gestion FAIR (pour “Facile à trouver, Accessible, Interopérable et Réutilisable”) tout au long du cycle de vie des données. Cette approche met en lumière l’importance de chaque étape, depuis l’acquisition jusqu’à la publication, afin d’assurer la pérennité, la diffusion et la réutilisation des données au-delà de leur contexte initial.

Gwénaël Dumont 

 

Un nouvel appel en faveur d’une approche plus juste des signatures dans les publications biomédicales

Comment mieux reconnaitre le rôle des contributeurs dans les signatures des articles scientifiques du domaine de la santé, notamment dans des projets scientifiques de grande taille, impliquant des équipes pluridisciplinaires ou de personnels de recherche à différents stades de leur carrière ? C’est la question qu’aborde cet article récent de Nature. Une perspective intéressante sur un sujet où la réflexion collective est indispensable.

Catherine Coirault

Updated on 09/06/2025.
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