Les questions de sexe et de genre en recherche : un enjeu important, plus complexe qu’il n’y paraît

En 2014, le NIH américain a annoncé une nouvelle politique (1) appelant à l’utilisation de matériel biologique masculin et féminin – animaux, tissus, cellules et lignées cellulaires – dans la recherche préclinique, ainsi qu’une plus grande inclusion de femmes dans les essais cliniques (2). Le Canada et l’Union Européenne (3) ont institué des politiques similaires (4). Des directives ont aussi été introduites par les principaux organismes de financement de la recherche, les revues scientifiques et les entreprises pharmaceutiques, pour inclure le sexe (5) comme une variable biologique dans les projets de recherche (4, 6). Les promoteurs de ces politiques expliquent que le fait d’exiger l’analyse du sexe devrait faire progresser la compréhension scientifique des différences entre les femmes et les hommes dans la santé humaine.

La pression conceptuelle et financière est donc forte sur la communauté biomédicale pour étudier de façon systématique le sexe comme une variable biologique. Cette politique s’applique cependant de façon inégale (8), montrant que les chercheur·es ne sont pas toujours suffisamment armé·es pour répondre à ces enjeux, avec le risque de réponses simplistes et essentialisantes (9). De plus, malgré l’inclusion systématique du concept de genre à côté de celui de sexe dans les recommandations du NIH, ces dernières reposent sur le présupposé suivant : les différences biologiques entre les hommes et les femmes découlent principalement de différences sexuelles intrinsèques, liées aux chromosomes sexuels. En pratique, la politique du NIH impose la prise en compte du sexe dans la recherche, mais pas celle du genre (ou d’autres facteurs) (5). Le risque est que l’étude du sexe en tant que variable biologique conduise à le considérer comme la seule variable explicative, contribuant ainsi à des conceptions selon lesquelles les différences hommes/femmes sont binaires, omniprésentes et biologiquement fixes dans les populations humaines (10-12).

Cependant, plusieurs articles, recommandations et perspectives ont été publiés récemment dans les meilleurs journaux de biologie (13-16), y compris une série de plusieurs articles sur le sujet dans Nature (voir en particulier (17)), montrant comment les questions abordées sont plus complexes que la vision sexuée du NIH. Ainsi, bien que les hommes soient plus souvent atteints de syndrome métabolique, les femmes présentant un syndrome métabolique présentent un risque cardiovasculaire plus élevé, notamment en raison d’une prévalence accrue d’obésité abdominale et de dyslipidémie. Une étude récente, basée sur des données suisses, a dépassé l’approche purement biologique pour explorer le rôle du genre, révélant que des niveaux faibles d’éducation et de revenus réduisent la protection des femmes contre le syndrome métabolique (18). Ces résultats mettent en lumière l’importance des facteurs socio-économiques comme cibles pour des stratégies spécifiques de prévention, afin d’atteindre l’équité en matière de santé pour tous et toutes. Il est désormais clair que ces questions doivent être abordées avec la même rigueur, curiosité et ouverture d’esprit que celles consacrées à nos projets de recherche habituels.

Patricia Lemarchand, pneumologue et professeure de biologie cellulaire à Nantes Université, L‘institut du thorax – UMR Inserm 1087/CNRS 6291

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