La Lettre des Actualités LORIER – Avril 2025

L’édito d’avril 2025

 

S’approprier les pratiques de recherche éthique responsable en jouant : est-ce bien sérieux ?

Faire connaitre et comprendre les enjeux de pratiques de recherche plus éthiques et responsables est une des ambitions majeures du programme LORIER. Cette ambition s‘inscrit désormais dans le cadre de la loi puisque les dispositions règlementaires récentes du code de la recherche (articles D. 211-2) obligent les établissements publics de recherche à mettre en place des dispositifs de promotion de l’intégrité scientifique, notamment par la formation. Au sein de LORIER, cette offre de formation est en cours de développement.

L’offre actuellement disponible sur internet s’adresse en général à un public large de personnels impliqués dans la recherche et concerne non seulement l’éthique et l’intégrité scientifique mais aussi la science ouverte au sens large, et relève de la formation initiale ou continue. En plus des MOOC, la part des jeux sérieux (serious games) occupe désormais une place croissante dans ces pratiques d’apprentissage. L’offre est riche et variée avec des jeux de société au sens large, des situations de dilemmes (dilemma games), des escape games voir un certain nombre de jeux numériques reprenant les classiques du jeu vidéo. Certains de ces dispositifs sont conçus pour l’auto-formation et l’auto-évaluation, d’autres sont le socle de véritables ateliers mis à disposition des formateurs.

Ainsi, Dép’Osez ! ( « Dép’Osez ! », le jeu sur les entrepôts de données à découvrir !) créé par l’équipe DoRANum et la Direction des données ouvertes de la recherche du CNRS vous permet d’animer un atelier sur les entrepôts de données, avec pour objectif l’apprentissage de notions clés sur ce qu’est un entrepôt de données : comment le choisir, pourquoi y déposer ses données ou quels sont les critères d’un dépôt conforme ? Pour ne citer que quelques jeux sérieux dans le cadre de la science ouverte, GopenDore vise à l’acquisition de bonnes pratiques de gestion et de partage des données de la recherche,  Fastoche HAL a pour objectifs l’appropriation des grandes notions de l’Open Access et de ses enjeux, Open Science Pursuit et Data supporting Open Access Game sont conçus pour d’une part se former à la bibliométrie, aux données, à l’édition et à la publication et d’autre part aider à présenter le libre accès et les sujets liés à la science ouverte, et Journey to open science, sensibilise à la science ouverte. Mais il existe également Licence to kill sur la propriété intellectuelle, To be in the norms sur les normes bibliographiques, ou Subpoena sur le plagiat. Où peut-on trouver ces jeux ? Dans Zenodo pour la plupart ou sur les sites des universités, notamment le site de l’université de Bordeaux, sous licence creative common CC BY.

De même, l’Inrae a lancé en 2021 une plateforme nationale GAMAE, l’université Paris Saclay a organisé en 2024 une journée de ludopédagogie. Dans le domaine de l’intégrité scientifique, de nombreux sites proposent des dilemma games avec mise en situation : integrity games, dilemmes de l’université de Rotterdam (Erasmus University Rotterdam), des jeux avec des discussions visant à promouvoir une réflexion critique sur les bonnes et mauvaises pratiques scientifiques (diner pensant) ou sous la forme d’un escape game.

Utilisés initialement pour promouvoir l’utilisation des jeux vidéo à des fins pédagogiques, les jeux sérieux éducatifs ont depuis leur création le vent en poupe. Le ressort ludique est en général fortement mis en avant avec pour arguments qu’il créé un levier de motivation pour l’apprenant, lui permettant de se mettre en action dans des situations les plus proches possibles du monde professionnel, d’apprendre par l’erreur, d’ancrer des savoirs et des savoir-faire avec une répétitivité qui n’est pas ressentie comme telle. L’adaptabilité du format aux contextes d’utilisation et au besoin ou profil de l’apprenant, la possibilité de tester ses connaissances et ses compétences sont autant d’avantages mis en avant en faveur de ces nouvelles pédagogies, supposées très appréciées notamment parmi les plus jeunes. Mais qu’en est-il vraiment de la valeur ajoutée des jeux sérieux dans la formation à la recherche responsable ?

Les preuves concernant les apports des jeux sérieux dans la formation ou les changements de pratiques restent modérées. Une méta-étude sur la gamification souligne les résultats cognitifs significatifs de ces processus, mais avec des effets sur les motivations et les comportements qui sont moins durables dans le temps que des formations plus conventionnelles. Au niveau des points négatifs, on relève l’aspect finalement peu ludique, l’absence d’intégration au travail de l’enseignant et l’existence de contraintes matérielles, logicielles et logistiques, une augmentation du temps dédié au jeu au détriment du temps attendu d’acquisition des connaissances.

Quelle place alors pour les jeux sérieux dans la formation à des pratiques de recherche plus éthiques et responsables ? Une approche purement théorique de l’intégrité scientifique et de l’éthique est clairement insuffisante. Selon une méta-analyse, l’implication par l’expérience et dans la réflexion sur la manière de traiter les problèmes éthiques est préférable à la délibération purement intellectuelle. A cet égard, si la contextualisation des questions de recherche éthique et responsable est bénéfique à l’acquisition des pratiques, il est important de souligner ici l’importance de la discussion collective autour des notions abordées pour ancrer les concepts clés de la formation. De plus, la formation en elle-même est probablement insuffisante pour influencer les comportements des chercheurs. Connaitre les bonnes pratiques n’est pas suffisant ! En effet, les comportements des personnels de recherche ne sont pas seulement influencés par leur connaissance de l’intégrité scientifique, mais aussi par la culture de recherche dans laquelle ils évoluent (10.12688/f1000research.6163.1 ; https://doi.org/10.1007/s11948-018-0034-4; https://doi.org/10.1373/clinchem.2018.298901). Et c’est probablement là que se situe un autre aspect essentiel du changement souhaité : non seulement les personnels de recherche doivent s’approprier les notions clés d’une pratique de recherche éthique et responsable, mais encore faut-il favoriser, dans l’équipe, un climat de confiance propice à une recherche éthique et responsable.

Un beau terrain de jeux à explorer … en attendant la sortie prochaine des formations proposées par LORIER !

Catherine Coirault

 

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LE PROCHAIN RDV LORIER

Les Français et l’expérimentation animale

 

Ivan Balansard est le vétérinaire référent modèles animaux du CNRS. Il travaille au sein du Bureau Ethique et modèles Animaux. Il est également président du Gircor, association d’organismes de recherche dont l’objectif est d’informer sur l’utilisation d’animaux et de méthodes alternatives en recherche biologique et médicale.

À l’occasion de son webinaire, Ivan nous présentera la perception sociale de l’expérimentation animale et les enjeux considérables que cette question peut avoir sur la santé de demain.

La plupart des Français admettent leur méconnaissance des enjeux de la recherche animale, et éprouvent un certain malaise face à ce sujet qu’ils connaissent mal. Ils oscillent entre un sentiment de méfiance envers des pratiques jugées peu transparentes et un sentiment de confiance sur la nécessité d’utiliser des animaux pour faire avancer la médecine humaine et vétérinaire.

Toutefois une partie de la population, initialement réceptive aux arguments scientifiques, évolue pour rejoindre un groupe de plus en plus nombreux de Français adoptant une position radicale sur la question. Ainsi, aujourd’hui, près de 30 % des Français jugent l’utilisation des animaux en recherche totalement inacceptable et injustifiable. Ce rejet est à mettre en relation avec les 25 % qui estiment que les méthodes alternatives sont d’ores et déjà en mesure de remplacer totalement l’expérimentation animale et de répondre à tous les défis de la biologie et de la santé.

Quelle est la raison de cette évolution? Comment lutter contre ce phénomène préoccupant qui, au-delà de l’expérimentation animale, est aussi une remise en question de l’éthique des scientifiques ?

Vous pouvez dès à présent soumettre vos questions à Ivan en les envoyant à lorier@inserm.fr

Le webinaire est ouvert à tous en vous inscrivant via le lien

 

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QUOI DE NEUF ?

 

Un LORIER chinois ?

Un article récent de Nature Medicine fait le point sur les progrès et les challenges d’un programme de promotion de l’intégrité scientifique des recherches en santé en Chine. L’Alliance pour l’Intégrité Scientifique des institutions médicales chinoises, créé en 2021 avec le soutien du gouvernement chinois, fédère désormais une cinquantaine d’hôpitaux universitaires. L’Alliance met à leur disposition ressources et conseils, organise des séminaires, participe à la formation en intégrité scientifique, et encourage une évaluation qualitative de la recherche. Un LORIER chinois avec qui échanger pratiques, ressources et bonnes idées ? 好消息

Catherine Coirault 

 

Le printemps de la donnée est là !

Dans le cadre du Printemps de la Donnée, organisé par l’INRAE et ses partenaires, l’université de Bordeaux vous propose de découvrir la plateforme GAFFEx.org lors d’un webinaire, le 10 avril 2025 de 14h à 15h. “Les laboratoires du monde entier produisent de nombreux résultats inexploités car considérés comme « négatifs », « nuls », ou encore « sous-optimaux ». Bien qu’une majorité des chercheurs considèrent ces résultats comme utiles, il est encore difficile aujourd’hui de les publier. La plateforme GAFFEx.org (« GAFFEx » acronyme de « Gathering of fundamentally Failed Experiments ») se donne pour objectif de relever le défi du partage de ces résultats en prenant en compte les principaux verrous soulevés par les chercheurs. Pour y répondre, un modèle éditorial inédit a été conçu pour associer simplicité, robustesse et transparence du modèle de revue par les pairs. Le retour et la contribution des chercheurs est primordiale pour que la plateforme soit complètement opérationnelle.”

Lien de connexion au webinaire : https://u-bordeaux-fr.zoom.us/j/89137460072 

Gwénaël Dumont
Ingénieure Informatique et Données, membre de l’atelier de la donnée ARDoISE

 

Un exercice intéressant sur un sujet crucial : les libertés académiques

L’Unité de prospective scientifique (STOA) du service de recherche du parlement européen (EPRS) publie une note d’information sur le bilan 2024 de l’Observatoire des libertés académiques. La note évoque le contenu de deux études dont elle présente en avant-première certaines conclusions. Ce faisant, elle propose un exercice intéressant d’élaboration de scénarios d’actions politiques concrètes qui peuvent être menées, au niveau européen, pour défendre ou renforcer les libertés académiques.  Y réfléchir concrètement – et même agir ? –pourrait bien, en effet, devenir rapidement un sujet d’actualité…

Ghislaine Filliatreau

 

Rendre visible le travail caché des publications scientifiques

Un article récent paru dans Nature propose de remplacer la section des remerciements des publications scientifiques par une liste complète, normalisée et hiérarchisée des noms et rôles précis des personnels de recherche ayant contribué directement à la publication. A l’image de ce qui se fait dans les génériques de films, l’objectif est d’améliorer la reconnaissance du travail de tous les contributeurs, même s’ils ne remplissent pas toutes les conditions pour être auteurs d’une publication scientifique. Des exemples pratiques de libellés de contributions sont présentés dans des tableaux. Un article intéressant pour améliorer la reconnaissance de chacun au sein des équipes de recherche !

Catherine Coirault

 

Le site du collectif ECUME

Le collectif ECUME, créé en 2024 par un groupe d’anciennes doctorantes, a pour but d’observer les conditions de l’accompagnement doctoral dans les universités françaises, telles qu’elles sont vécues par les doctorantes et les doctorants, et de proposer des pistes d’amélioration.

ECUME, pour “Encadrer C’est Un MÉtier” plaide pour de meilleures conditions de formation des encadrants. Vous trouverez sur le site différentes ressources, – dont une enquête en ligne, un « violentomètre du doctorat », une cartographie des formations à l’encadrement doctoral, des textes juridiques …

Ghislaine Filliatreau

Mise à jour le 09/06/2025.
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