L’édito de décembre 2024
Lanceurs d’alerte : des dispositifs spéciaux pour les agents publics
Le droit d’alerte – qui est, dans certains cas, un devoir – revêt des formes et relève de procédures variées, certaines spécifiques aux agents publics. Une circulaire du ministère de la transformation et de la fonction publiques est venue, le 26 juin 2024, rappeler les spécificités du régime de l’alerte dans la fonction publique. Points clés de la réglementation du lancement d’alerte dans la fonction publique.
La loi « Sapin 2 » a consacré dans notre droit un régime protecteur des lanceurs d’alerte, une mesure essentielle pour la lutte contre la corruption. La loi a été modifiée – élargie et simplifiée – en 2022, pour satisfaire à une directive européenne. Une circulaire récente (juin 2024) est venue préciser les conditions d’application de la loi dans la fonction publique, pour laquelle des régimes protecteurs existaient déjà.
La définition du lanceur d’alerte en vigueur aujourd’hui est la suivante :
« Un lanceur d’alerte est une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général (…) du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement » (article 6 loi Sapin 2)
Comme on sait, la divulgation d’informations peut normalement se voir opposer le secret professionnel, le secret des affaires, l’exigence de discrétion professionnelle ou de loyauté envers l’employeur. Avec des conséquences pour l’auteur qui peuvent être disciplinaires, pénales (la divulgation d’informations couvertes par le secret professionnels est un délit) et civiles (des dommages et intérêts pourraient lui être réclamés). La législation sur les lanceurs d’alerte a précisément pour objet de protéger les auteurs de signalement et divulgations agissant de bonne foi, même en cas de divulgation d’informations confidentielles. Sont exclues toutefois les informations couvertes par le secret médical, le secret de l’avocat, celui de la défense nationale, de l’enquête ou de l’instruction, et du secret des délibérations judiciaires (v. le II de l’art. 6 loi Sapin 2).
Pour lire la suite –> ici
- Philippe Amiel, docteur en droit, président du collège de déontologie de l’Inserm
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Le prochain RDV LORIER
lundi 13 janvier 2025
Comment s’interroger sur la mise en pratique du principe de laïcité
dans un laboratoire de recherche ?
Anne-Laure Youhnovski Sagon
Anne-Laure Youhnovski Sagon est docteure en droit et maître de conférences en droit public à l’Université Jean-Moulin Lyon 3. Ses domaines de recherche portent sur le droit de la bioéthique ainsi que sur le droit de la laïcité. Dès lors, la fonction de référente laïcité qu’elle exerce depuis février 2024 à l’Inserm lui permet de croiser ses deux centres d’intérêt.
Ce wébinaire permettra d’aborder différentes situations au sein desquelles le principe de laïcité doit être appliqué au laboratoire.
Anne-Laure vous présentera les contours du principe de neutralité religieuse, composante du principe de laïcité, qui s’applique à tout agent public, tout en insistant sur les spécificités que peuvent rencontrer les personnels de l’Inserm. Il s’agira de déterminer si tous ceux qui travaillent au laboratoire sont soumis aux mêmes obligations. Par exemple, un doctorant ou une doctorante est-elle autorisée à porter un signe religieux au sein de l’établissement? En effet, il faut savoir que les usagers de l’enseignement supérieur peuvent, en principe, porter un signe religieux, contrairement à ceux des établissements d’enseignement primaire et secondaire qui ne peuvent porter de signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse.
Enfin, qu’en est-il de la liberté académique ? Si les libertés de conscience, de croire ou de ne pas croire, et de religion constituent une composante du principe de laïcité, son exercice n’est pas absolu. En effet, les scientifiques peuvent, dans certain cas de figure très précis, invoquer leurs clauses de conscience, par exemple pour des recherches sur l’embryon.
Donc, comme on le voit, en pratique le principe de laïcité doit être appliqué avec discernement !
Vous pouvez dès à présent soumettre vos questions à Anne-Laure en les envoyant à lorier@inserm.fr
Le webinaire est ouvert à tous en vous inscrivant via ce lien
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Quoi de neuf ?
Corriger la littérature et mieux prévenir les pratiques de recherche douteuses
Un article récent de la fondation à l’intégrité scientifique anglaise (UKRIO) rappelle l’importance pour tous les personnels de recherche de garantir la fiabilité et la solidité des travaux de recherche. Pour cela, les auteurs soulignent l’intérêt primordial de signaler et de corriger les erreurs dans la littérature scientifique. Il s’agit de promouvoir une culture de l’intégrité scientifique plutôt que de stigmatiser les personnes ayant des pratiques discutables. Le document appelle par ailleurs à redoubler d’efforts pour continuer à mieux comprendre les mécanismes à l’origine des pratiques de recherche douteuses, et invitent les lecteurs à participer à une enquête sur les pratiques de recherche douteuses menée par l’université de Portsmouth. Améliorer la qualité, la robustesse et la reproductibilité de la recherche, tout un programme pour lequel Lorier vous accompagne !
Catherine Coirault
Lutter pour les bonnes méthodes en recherche
Un rapport récent de l’UK Research Integrity Office (UKRIO) présenté dans le BMJ encourage le signalement précoce d’éventuels écarts aux bonnes pratiques de recherche dans toutes les disciplines et formule des propositions visant à simplifier le processus d’enquête, à améliorer la collaboration entre les parties prenantes et à renforcer la cohérence des réponses aux allégations. L’objectif est de réduire au niveau international la prévalence des pratiques discutables en recherche et de minimiser leur impact social. L’article rappelle qu’un des moteurs probables de la confiance en la recherche est la manière dont les instituts de recherche, les éditeurs et les bailleurs de fonds répondent aux allégations de mauvaises pratiques dans la recherche.
Catherine Coirault
En 2014, le NIH américain a annoncé une nouvelle politique (1) appelant à l’utilisation de matériel biologique masculin et féminin – animaux, tissus, cellules et lignées cellulaires – dans la recherche préclinique, ainsi qu’une plus grande inclusion de femmes dans les essais cliniques (2). Le Canada et l’Union Européenne (3) ont institué des politiques similaires (4). Des directives ont aussi été introduites par les principaux organismes de financement de la recherche, les revues scientifiques et les entreprises pharmaceutiques, pour inclure le sexe (5) comme une variable biologique dans les projets de recherche (4, 6). Les promoteurs de ces politiques expliquent que le fait d’exiger l’analyse du sexe devrait faire progresser la compréhension scientifique des différences entre les femmes et les hommes dans la santé humaine.
La pression conceptuelle et financière est donc forte sur la communauté biomédicale pour étudier de façon systématique le sexe comme une variable biologique. Cette politique s’applique cependant de façon inégale (8), montrant que les chercheur·es ne sont pas toujours suffisamment armé·es pour répondre à ces enjeux, avec le risque de réponses simplistes et essentialisantes (9). De plus, malgré l’inclusion systématique du concept de genre à côté de celui de sexe dans les recommandations du NIH, ces dernières reposent sur le présupposé suivant : les différences biologiques entre les hommes et les femmes découlent principalement de différences sexuelles intrinsèques, liées aux chromosomes sexuels. En pratique, la politique du NIH impose la prise en compte du sexe dans la recherche, mais pas celle du genre (ou d’autres facteurs) (5). Le risque est que l’étude du sexe en tant que variable biologique conduise à le considérer comme la seule variable explicative, contribuant ainsi à des conceptions selon lesquelles les différences hommes/femmes sont binaires, omniprésentes et biologiquement fixes dans les populations humaines (10-12).
Cependant, plusieurs articles, recommandations et perspectives ont été publiés récemment dans les meilleurs journaux de biologie (13-16), y compris une série de plusieurs articles sur le sujet dans Nature (voir en particulier (17)), montrant comment les questions abordées sont plus complexes que la vision sexuée du NIH. Ainsi, bien que les hommes soient plus souvent atteints de syndrome métabolique, les femmes présentant un syndrome métabolique présentent un risque cardiovasculaire plus élevé, notamment en raison d’une prévalence accrue d’obésité abdominale et de dyslipidémie. Une étude récente, basée sur des données suisses, a dépassé l’approche purement biologique pour explorer le rôle du genre, révélant que des niveaux faibles d’éducation et de revenus réduisent la protection des femmes contre le syndrome métabolique (18). Ces résultats mettent en lumière l’importance des facteurs socio-économiques comme cibles pour des stratégies spécifiques de prévention, afin d’atteindre l’équité en matière de santé pour tous et toutes. Il est désormais clair que ces questions doivent être abordées avec la même rigueur, curiosité et ouverture d’esprit que celles consacrées à nos projets de recherche habituels.
Patricia Lemarchand, pneumologue et professeure de biologie cellulaire à Nantes Université, L’institut du thorax – UMR Inserm 1087/CNRS 6291
Pour voir les références –> ici
Il y a quelques jours, John Ioannidis, directeur du centre de recherche sur la recherche METRICS, prononçait la presidential address de l’Association of American Physicians, dans laquelle il se félicite de la prise de conscience que « la plupart des recherches menées à ce jour ont fait appel à des pratiques de recherche non reproductibles, non transparentes et sous-optimales. » Ceci pour des causes diverses et compréhensibles, mais surtout solutionnables. Ce pourquoi il tient à redire que « la science est la meilleure chose qui puisse arriver à l’humanité, et que la recherche devrait être soutenue par des engagements accrus ». Vous pouvez lire ici ce tour d’horizon, où il incite tous les acteurs à aller de l’avant pour défendre l’activité scientifique …tout en l’améliorant.
Ghislaine Filliatreau
Pour en savoir plus sur l’évaluation éthique des projets de recherche
Invitée par l’unité 1077 de Caen, la présidente du CEEI-IRB de l’Inserm, la Dr Christine Dosquet interviendra le lundi 2 décembre, en présentiel et en ligne, pour une conférence intitulée “Évaluation éthique des projets de recherche : quelle vision après plus de mille projets évalués ?”. Pour la suivre à distance : https://syvik-fr.zoom.us/j/94056233348
Ghislaine Filliatreau
Une charte de la science ouverte à l’Inserm
L’Inserm vient de se doter d’une charte de la science ouverte qui affirme des principes destinés à faciliter la transition de la recherche vers des publications ouvertes, des données ouvertes et partagées, une évaluation favorable à la science ouverte, et une généralisation de la science participative. Pour ces quatre piliers de la science ouverte, l’Institut propose des recommandations et des règles simples en accord avec la politique nationale (PNSO) et européenne (ERC, programmes Horizons, cOAlition S, CoARA).
La charte s’accompagne de la présentation d’outils que l’Inserm met à disposition de ses chercheurs pour favoriser leur large adhésion à cette politique institutionnelle.
Michel Pohl
L’insoutenable croissance de la pression à la publication
Les scientifiques sont de plus en plus submergés par le volume d’articles publiés. Dans cet article, les auteurs proposent une mise en lumière de ce phénomène par différentes mesures, afin d’illustrer qu’il n’est tout simplement pas soutenable, avant de discuter plusieurs pistes de solutions.
Ghislaine Filliatreau
A quand la médiation en recherche assistée par IA ?
La synthèse d’opinions divergentes générée par un chabot assisté par intelligence artificielle (IA) serait légèrement préférée à celle de médiateurs humains, selon une étude récente publiée dans Science. Le système, baptisé Machine Habermas en référence au philosophe, aiderait les personnes ayant des points de vue divergents à trouver des terrains d’entente de façon plus efficace notamment en termes de temps. A noter que la résolution des divergences est basée sur l’énoncé clair argumenté par les participants de leur point de vue respectif, un principe qui rappelle l’importance de la communication pour éviter les conflits interpersonnels, comme nous le rappelait récemment Nathalie Théret, la médiatrice – bien réelle – de l’Inserm.
Catherine Coirault
Mois de la Science Ouverte 2024 à Nantes
Entre le 4 et le 30 novembre, le département Appui à la recherche du SCD de Nantes université organise avec l’appui des membres du Comité technique science ouverte de Nantes Université, un “Mois de la science ouverte”, en prolongement de la semaine internationale du Libre Accès.
L’ensemble du programme est accessible ici : https://bu.univ-nantes.fr/science-ouverte/mois-de-la-science-ouverte-2024
L’inscription est ouverte à toutes et tous via le lien suivant : https://inscription.univ-nantes.fr/events/moisSO2024/
Les ateliers sont de courte durée, pour la plupart en visio. Ils regroupent des retours d’expérience, séminaires et tables rondes, prise en main des outils, sur tous les objets de la science ouverte, publications, données et codes. Ce “Mois de la science ouverte” est l’occasion pour chacun de prendre un peu de temps pour s’initier aux outils et notions de la science ouverte, poser des questions et échanger.
Catherine Chevalier
Vous voulez en savoir plus sur la recherche sur la recherche ? cet article de John Ioannidis explique en quoi cette discipline scientifique récente est importante pour différencier les biais des effets réels, améliorer la reproductibilité et la qualité de la recherche. A travers des analyses et des recommandations, la recherche sur la recherche vise à améliorer la façon de concevoir, de mener, de rapporter, d’évaluer, de diffuser, de récompenser et de corriger la science. L’article explique bien que la recherche sur la recherche est une facette à part entière de la recherche. Et pour participer à la recherche sur la recherche, n’hésitez pas à vous inscrire pour venir à la journée ambassadeurs LORIER le 13 novembre prochain.
Catherine Coirault
C’est reparti pour l’International Open Access Week !
Cette année encore, le thème de la semaine du libre accès est centré sur un appel à placer « la communauté avant la commercialisation ». L’objectif reste de promouvoir les approches de savoir ouvert, au profit du public et de la communauté universitaire, avec la volonté de transformer les recommandations en action collective. La semaine se tiendra du 21 au 27 octobre 2024, partout en France. Pour de plus amples informations, n’hésitez pas à visiter le site dédié à l’évènement ou à suivre le hashtag #OAWeek.
Catherine Coirault